Subdivisions

Subdivisions est un morceau de Rush qui permet de se familiariser avec les mesures composées (paires) et asymétriques (impaires) : ici, ce sont respectivement le 6/4 et le 7/8 qui sont mis à l’honneur.

La structure

Commençons par trier un peu les choses… Voici l’organisation du morceau :

Intro (en 7/8) (M01 à M27)
Verse 01 : 4M en 4/4 + 6M en 7/8 + 3M en 4/4
Verse 02 : 4M en 4/4 + 6M en 7/8 + 6M en 4/4
Pre-chorus 01 : 9M
Chorus 01 : 4M
Theme 01 : 9M
Verse 03 : 4M en 4/4 + 6M en 7/8 + 3M en 4/4
Verse 04 : 4M en 4/4 + 6M en 7/8 + 6M en 4/4
Pre-chorus 02 : 9M
Theme 02 : 8M
Solo : 12M
Chorus 02 : 4M
Outro

Les 7/8 apparaissent donc dans l’introduction et dans le milieu de chaque couplet.

Les 6/4 interviennent quant à eux dans les pre-chorus, chorus et thèmes : c’est important de les penser ainsi et non en 4/4 pour bien marquer le début de chaque mesure et placer correctement les break. On remarquera que, dans les cas où il y a 9 mesures, la dernière mesure est en fait ajoutée pour faire un break (c’est de coutume dans le prog…). Détaillons à présent quelques patterns du morceau…

Les différents 7/8 [intro & verse]

Les 7/8 sont joués de façon à bien marquer la cassure liée à cette métrique, avec des accents de charleston maintenus sur les temps. Il s’agit pour moi du 7/8 de base, ou « 7/8 à la Neil Peart » ! Il se compte : 1& 2& 3& 4|1& 2& 3& 4|etc…

Ils sont toutefois interprétés de plusieurs manières :

  • version en doubles-croches sur le charleston, en frisé (dans l’intro, mesures M2 et M3 par exemple) :
  • version classique en croches avec CC sur l’afterbeat et ouverture de charleston sur le premier temps (M33) :
  • version avec CC syncopée et mini-break sur 1,5 temps (M45 & M46) :

Je m’arrête un instant sur ce mini-break car on le rencontre plusieurs fois dans le morceau, y compris dans une version allongée. Si on l’isole du 7/8 initial, il nous reste un 3/8 avec le schéma rythmique suivant, que l’on peut écrire de 2 façons :

On peut donc :

– soit le penser comme dans la mesure de gauche en plaçant une croche pointée suivie d’une double croche. Pour cela, il est nécessaire de bien sentir ces durées, surtout le demi-soupir qui termine la mesure avant de repartir sur le temps fort de la mesure suivante.

– soit en simplifier l’approche en constatant dans la mesure de droite qu’il s’agit juste de 2 groupes de 3 doubles-croches, qu’on comptera « 123 123 » et dans lesquelles on ne jouera que les pêches sur les 1. D’ailleurs, on peut s’aider en intercalant des notes de CC jouées en GN à la main gauche sur les 2 et 3, comme ci-dessous (ce que fait précisément Neil Peart plusieurs fois dans le morceau) :

Cette méthode consistant à grouper des notes par blocs de 2,3,5, etc… puis de les mettre bout à bout sans se soucier de la métrique globale est très utile pour appréhender et construire des mesures asymétriques. Elle trouve sa source dans les Tâla indiens.

  • version avec le mini-break et la ride (M77) :
  • version avec une CC dont le débit reste régulier alors que l’accentuation du HH se renverse sur les ouvertures, un grand classique du prog’ qui tourne sur 2 mesures (M92 & 93) :

A noter qu’on peut aussi l’écrire et donc le penser en 7/4 comme ci-dessous :

Au final, on voit que Neil Peart s’en est donné à cœur joie pour l’exercice de style… du coup, c’est plutôt sympa à bosser pour avoir plein de variantes du 7/8 dans sa boite à outils !

Petite digression : il existe d’autres façons de jouer du 7/8, en voici quelques-unes…

  • le « 7/8 à la Portnoy », construit sur des blocs en 2/2/3 :
  • le « 7/8 à la Marillion » construit sur des blocs en 3/2/2 :
  • le « 7/8 à la Gavin Harrison » basé sur une illusion rythmique… mais je m’égare alors restons-en là pour l’instant !

Les break récurrents [pre-chorus, chorus & thèmes]

Le gimmick « 123 123 » utilisé dans le mini-break décrypté ci-dessus est ré-exploité dans une version allongée à plusieurs reprises. Ce break est indispensable à maitriser pour faire tourner convenablement le morceau.

  • version avec juste des pêches (M61) :
  • version avec des ghost notes ajoutées à la CC et jouées main gauche (M57) :

Dans les deux cas, on remarque que le break est constitué cette fois de 4 groupes de 3 doubles-croches, à compter « 123 123 123 123 », avec accents (pêches) sur les 1. L’ensemble formant 12 doubles-croches, soient 3 temps, c’est pourquoi il est parfaitement adapté pour breaker sur le milieu des mesures en 6/4. Voilà comment Neil Peart intègre subtilement son pattern de fin de 7/8 dans les 6/4 qui suivent : malin, non ?

Les rythmes accentués en l’air [intro & outro]

Dans ce type de pattern, l’ostinato de charleston est accentué sur les contre-temps (les « & ») : un bon moyen de faire ressortir cet effet consiste à remplacer le coup de HH joué sur le contre-temps par une autre cymbale (ride, splash…).

Le premier rythme de ce type est en 4/4 et apparait aux mesures M14 & M15 de l’intro. En voici une décomposition pas à pas :

  • on commence par jouer un rythme classique en doubles-croches sur le charleston, avec un doigté en frisé (DGDG). La GC marque chaque temps et la CC est jouée main droite sur le 3ème temps (elle remplace du coup le HH) :
  • ensuite, on décale la main droite sur la ride, mais uniquement sur les contre-temps. Attention à l’amplitude nécessaire pour effectuer ce geste. On peut s’entrainer avec une cymbale moins éloignée pour démarrer :
  • enfin, on décale deux mains gauches du HH vers la CC et on les joue en ghost notes pour obtenir le plan complet. Pour être plus précis, un temps constitué de 4 doubles-croches se compte « 1i&a ». Les CC à ajouter sont ici sur le « a » du 3ème temps et le « i » du 4ème : elles sont donc bien maintenues à la main G dans la mesure où le doigté est en frisé :

Il est important de noter que les mains conservent toujours ce même doigté en frisé : c’est tout l’intérêt de ce type de plan où l’on se « contente » de balader les mains sur le kit (ici la ride et la CC) sans rompre le doigté ni le débit.

Un second rythme du même type est également utilisé dans l’outro (M131). Attention, c’est un 6/4 :

L’ostinato est joué en croches à la main droite : on peut commencer par travailler le plan avec un ostinato classique uniquement sur le HH pour maitriser la position des GC, avant de passer les contre-temps sur une cymbale de son choix, en s’attachant à ne pas perdre le fil (ça sonne pas mal sur une chinese dans ce cas).

Voilà pour les points principaux. En dehors de cela, attention quand même au pattern des refrains qui demande un peu de dextérité sur la ride et la GC (avec des doublets joués à la pédale simple). Je précise également que le break final n’est pas forcément exhaustif au niveau de mon relevé, mais ça donne l’idée… alors lâchez-vous 😉

En résumé, travailler ce morceau est très instructif et, même si la tâche peut paraitre compliquée, elle n’est pas insurmontable avec un peu d’efforts. C’est loin d’être le morceau le plus difficile de Rush à la batterie…

Ceci dit, vous allez quand même en baver un peu des ronds de chapeau, faut pas déconner non plus, on parle de Neil Peart ici, c’était pas Jo le rigolo… RIP Neil…

Neil Peart

Batteur : Neil Peart

Neil Peart nous a quitté en 2020, et je dois dire que ça m’a bien foutu les glandes… Batteur et principal parolier de Rush, il aura marqué toute une génération de batteurs par son jeu incroyable, à la fois technique et créatif.
Je l’ai toujours imaginé comme un maillon entre John Bonham de Led Zeppelin et Mike Portnoy de Dream Theater. A l’image du batteur de Led Zep, Peart excellait dans un jeu lourd et puissant (assez rare dans les 70’s), porté par une maitrise parfaite des rudiments et un jeu de grosse caisse pour le moins véloce. Mais il poussera plus loin que ce dernier en étudiant des techniques Jazz ou en développant son jeu sur les mesures asymétriques. Mike Portnoy s’en inspirera ensuite dans sa façon de jouer les 7/8, 9/8 ou autres renversements (il combinera quant à lui ces patterns avec une technique de double grosse caisse issue du trash métal).
Par ailleurs, Neil Peart était connu pour composer de sacrés solos de batterie et n’hésitait pas à embrasser la technologie : dans les années 80, quand les boites à rythme ont commencé à remplacer les batteurs, lui s’est dit « OK, on va faire mumuse avec tout ça et montrer à tous ces trous de balle ce que peut faire un vrai batteur avec leurs gadgets. » [note : il n’a jamais dit cela, c’est pour la romance]
Bref, un grand, un mentor pour beaucoup, toujours resté humble et au top de son art malgré les terribles épreuves personnelles qu’il a vécues.
Merci infiniment Neil, et rendez-vous de l’autre côté (je réserve une place pour des cours particuliers).

Signals

Album : Signals

Sorti en 1982, Signals marque l’entrée de Rush dans l’ère digitale, à gros renforts de nappes de synthé. Le groupe n’a pour autant pas perdu sa fougue et continue de proposer des structures complexes, des rythmes décalés et des harmonies parfois peu conventionnelles. Bien que très présents, les claviers n’occultent pas le talent des musiciens et plusieurs morceaux sont vraiment excellents : Subdivisions (petit traité de mesures impaires), The Analog Kid (un classique du groupe), Digital Man (et sa basse reggae) ou encore le single New World Man.

En résumé, même si certains sons de cette époque ont mal supporté l’épreuve du temps, Signals reste un très bon disque et comporte quelques pépites à (re-)découvrir.

Rush

Artiste : Rush

Attention, monument du rock progressif ! Donc on s’arrête et on observe une minute de silence… Trio canadien formé en 1968 (resté actif jusqu’en 2015), Rush a connu un succès énorme sur le continent américain. Depuis 1974 et leur premier disque homonyme, le line-up est resté stable : c’est ainsi que Geddy Lee (basse/chant), Alex Lifeson (guitare) et Neil Peart (batterie) ont marqué l’histoire du rock pendant plus de 40 ans. Musicalement, le trio est passé par diverses périodes que l’on pourrait résumer ainsi :

  • un début orienté hard rock / blues rock, dans le style de Led Zeppelin (albums Rush et Fly by night).
  • un virage prononcé vers le rock progressif pendant une bonne partie des 70’s (albums 2112, A Farewell to Kings, Hemispheres…). Période où le groupe se distingue à la fois par sa créativité et son talent technique.
  • une musique un peu plus « directe » dans les années 80, avec l’emploi de synthétiseurs. Cela n’a pas toujours bien vieilli, mais il y a de superbes compositions dans le lot !
  • dans les années 90, le groupe est revenu à un style plus rock en réduisant le rôle des machines. J’en retiens l’album Counterparts, un vrai plaisir.

En résumé, si vous êtes branché rock prog et ne connaissez pas ce groupe, il faut y remédier ! Le chant particulier de Geddy Lee pourra en rebuter certains, mais pour les autres, c’est une discographie d’une grande richesse qui s’ouvrira à vous…

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