0.1 Bref historique de la Batterie

Pour les nouveaux venus, comme pour ceux qui souhaitent réviser un peu, je vous propose d’attaquer ce tutoriel par quelques éléments historiques (et autres digressions) au sujet de notre instrument. N’étant pas Historien (et donc expert en la matière), il ne s’agit à travers ces humbles lignes que de rappeler des repères simples et communément admis (avec une pointe d’ironie discutable, je vous l’accorde par avance).

L’histoire de la batterie est évidemment indissociable de celle de la musique en général, et plus particulièrement de celle des percussions. Nos ancêtres les plus lointains comprirent très rapidement que leurs mains, et a fortiori tous les outils qu’ils pouvaient concevoir pour ces dernières, leur permettaient de taper sur la gueule du voisin afin d’engranger ressources et pouvoir. Les plus éclairés d’entre eux, que l’on qualifiera plus tard d’artistes (encore moqués aujourd’hui par la catégorie dominante), émirent l’hypothèse qu’il serait tout aussi agréable de taper sur un objet inanimé, afin d’en produire un son et égayer leur pénible quotidien. C’est ainsi que le combo {outil facile à prendre en main + support résistant qui résonne un max = bruit rigolo qu’il faut reproduire le plus souvent possible}, plus communément appelé « percussion » est apparu dès l’aube de nos premières civilisations. Certains diront qu’il ne s’agissait finalement que d’un autre moyen d’emmerder le voisin : chacun prendra position.

Bien entendu, d’autres types d’instruments furent élaborés en parallèle, voire en amont (à commencer par les possibilités offertes par la voix et le corps), afin de compléter ce large panel de trucs bruyants : la palme de l’ancienneté (en terme d’identification) est d’ailleurs à ce jour attribuée à une flûte en os de vautour, découverte dans une grotte en Allemagne et dont l’âge estimé au carbone 14 avoisinerait les 35 000 ans (rien que ça).

Je me dois cependant d’être un peu plus précis : les percussions ne se limitent pas seulement aux choses que l’on frappe (comme le gong ou les tambours), mais également à celles que l’on racle (guiro), que l’on secoue (maracas) ou bien que l’on entrechoque (castagnettes). Nos prédécesseurs ont en effet rivalisé d’ingéniosité pour faire du bruit de toutes les manières possibles.

Au passage, précisons également qu’il est de coutume de séparer les percussions en deux groupes : les membraphones (faits d’une membrane tendue sur une caisse de résonance) et les idiophones (réalisés à l’aide de matériaux durs).

D’un point de vue plus philosophique, il peut être intéressant de préciser que si les instruments de percussions existent depuis la nuit des temps, c’est bien parce que l’être humain s’est toujours interrogé sur le rythme : celui de la vie et de la mort, celui des saisons, de la course du Soleil dans le ciel ou encore celui de son corps (respiration, cœur, pas, etc…).

Nous baignons dans un Univers dans lequel la plupart des phénomènes naturels sont périodiques et notre corps n’est qu’une machine de plus respectant ces préceptes, jouant en quelque sorte le rôle d’un métronome géant d’une fabuleuse complexité. La musique et les percussions illustrent parfaitement le rapport ténu que les espèces vivantes entretiennent avec le temps, au strict sens Physique du terme.

Les Historiens éprouvent bien des difficultés à dater l’apparition des premières percussions, car il s’agit d’artefacts qui se sont naturellement altérés et ont probablement pour la plupart disparu avec le temps (en particulier les instruments à peau tendue). Par ailleurs, devant la rare découverte d’un objet archéologique de ce type, il n’est pas forcément simple de déterminer son rôle et son utilisation musicale éventuelle. S’il parait compréhensible d’associer un cylindre de bois troué à un vague ancêtre de la flûte, il n’en est pas de même pour un simple morceau de bois taillé qui aurait pu avoir de multiples usages, dont celui de simplement produire un son en le frappant.

Le lithophone, ancêtre du xylophone, en lames d’ardoise (reconstitution par Jean Duperrex)

Je n’irai pas plus en avant sur le sujet des percussions, même si celui-ci s’avère passionnant. C’est en effet incroyable d’observer le nombre d’instruments hétéroclites ayant pu fleurir au cours des siècles, et ce dans toutes les régions du monde. Sachez juste une chose : si vous pensiez avoir trouvé hier soir un son absolument génial et un rythme d’enfer hyper novateur, vous risquez d’être déçu d’apprendre qu’un autre poilu (ou une poilue) l’a sûrement déjà fait avant vous. Pas d’inquiétude cependant, la musique n’est qu’un constant renouvellement !

Si les percussions (et la musique de façon globale), étaient tout d’abord destinées à accompagner diverses formes de rassemblements collectifs (célébrations spirituelles, rituels communautaires, rassemblements militaires…), leur utilisation a évolué progressivement vers une forme d’expression plus individuelle, en devenant l’un des vecteurs de nos sentiments : c’est pourquoi, de nos jours, il n’est pas rare de croiser sur une plage en plein été un bellâtre qui s’évertue à négocier un acte sexuel en jouant du djembé à sa douce (note personnelle : la guitare folk est plus efficace pour arriver à vos fins. Et si vous savez un peu chanter, c’est encore mieux, vous obtenez un bonus « Sexy + 10 »).

Venons-en dès lors à notre sujet principal, à savoir la batterie, un instrument quant à lui beaucoup plus jeune. Enfin, oui et non… Si vous avez lu les paragraphes précédents, vous aurez compris par vous-même.

La batterie contemporaine n’est effectivement « rien de plus » qu’un ensemble de percussions destiné à être joué par une seule personne (le batteur). D’où son nom au passage : on dit bien « une batterie de cuisine », même si on ne le dit jamais dans la vraie vie… Les anglo-saxons lui préfèrent d’ailleurs le terme de « drums » (ou « drumset »), nettement plus classe, qui signifie « tambours ». Si son concept est récent, puisqu’il date d’un peu plus d’un siècle seulement, les éléments qui la constituent le sont beaucoup moins et résultent même parfois de l’évolution de percussions très anciennes.

Jusqu’à la fin du XIXème siècle, les orchestres (au sens général du terme, pas seulement les orchestres symphoniques auxquels on pense systématiquement dans nos contrées occidentales) se voyaient par coutume dotés d’autant de percussionnistes que de percussions (à deux trois poils de cul près, c’est pas une science exacte…). Au début du XXème siècle, les orchestres américains avaient déjà taillé dans le gras en se limitant à trois percussionnistes (voire deux pour les fanfares) : l’un jouait de la grosse caisse, le second de la caisse claire et le troisième s’amusait avec les cymbales et quelques accessoires. Les musiciens portaient alors leur propre élément pour le jouer.

A cette même époque, les progrès technologiques permirent de concevoir de nouveaux supports pour ces différents éléments (dont la pédale de grosse caisse) et c’est ainsi que ces derniers purent être fusionnés afin d’être joués par une seule personne, donnant naissance à la batterie actuelle. ENFIN, l’humanité accédait au Saint Graal tant recherché (ah, non, ce n’est pas ça ?) ! Si j’étais cynique, j’ajouterai que cela coïncide avec l’application des premières politiques de restrictions budgétaires : pourquoi payer plusieurs gars (et les déplacer, loger, nourrir…) quand un seul type peut très bien faire tout le boulot ? Mais comme je ne le suis pas (cynique), je précise aussi, avec tout l’honnêteté qui me caractérise, que cela a surtout permis aux orchestres de se déplacer davantage et de jouer dans des lieux plus exigus, permettant ainsi à un public plus large et plus varié (et pas seulement à l’élite) de profiter de leur talent.

La batterie de Jazz début XXème : grosse caisse avec pédale – caisse claire sur pied – cymbale « de rythme » sur perchette (aujourd’hui appelée « ride »)

Il ne manquait alors plus que l’invention d’une pédale adaptée à la cymbale charleston dans les années 20 pour compléter le tableau : cette pédale apparut avec les premiers big-bands qui jouaient assis sur les bateaux à aubes de la Nouvelle Orléans (berceau du Jazz et du Blues) et termina d’esquisser la forme de l’instrument moderne que nous connaissons tous aujourd’hui.

Avant de terminer cette petite histoire, je souhaite apporter quelques précisions :

  • les prémisses de l’instrument, à savoir l’idée de fusionner plusieurs éléments (et en particulier des percussions), remonteraient au moyen-âge en Europe avec l’apparition de l’homme orchestre (on imagine le ridicule de la situation, voir gravure ci-contre).
  • la batterie s’avère donc au final être un instrument comportant à la fois des membraphones (caisse claire, grosse caisse…) et des idiophones (cymbales, cloches…). Voilà pourquoi c’est le top et que cela fait beaucoup de bruit !
  • le fait de regrouper les éléments a induit une autre manière de les jouer à travers la corrélation offerte : la batterie représente donc réellement un instrument à part entière (n’en déplaise aux guitaristes), avec ses propres rudiments et techniques qui seront développés tout au long du XXème siècle.
  • enfin, pour les férus de dates, le premier batteur de Jazz et inventeur du premier set de batterie aurait été Dee Dee Chandler (1866-1925). On avance souvent la date de 1906 pour l’apparition de la première batterie, mais tout ceci reste difficile à vérifier (et surtout, on s’en tape un peu).

Au cours du XXème siècle, l’instrument s’enrichira de nouveaux éléments (en particulier des toms et cymbales de formes diverses et variées…) et de nombreux musiciens, désormais officiellement appelés « batteurs », marqueront leur époque d’une empreinte indélébile, aussi bien par la disposition de leur kit que leur technique de jeu novatrice. Différents styles de drumming se développeront, se succéderont et s’entremêleront, conduisant à tout le corpus de connaissances dont nous disposons aujourd’hui sur ce bel instrument (mais c’est aussi pour cela qu’il y a du boulot, pfou…).

Pour ne pas mourir trop bêtes (même si vous mourrez quand même…), sachez que l’un des pionners de la batterie Jazz n’est autre que Warren Dodds (plus communément surnommé Baby Dodds – 1898/1959 – cf photo). Il serait à l’origine des premiers enregistrements effectués avec une batterie moderne, en s’illustrant notamment aux côtés d’un certain Louis Armstrong… Difficile non plus de ne pas citer Jones « Papa » Jo (1911/1985) parmi les précurseurs de la batterie et dont la technique était absolument redoutable (écoutez-le, vous allez pleurer votre maman). Évidemment, il y en a eu beaucoup d’autres par la suite, et vous trouverez des listes complètes et détaillées sur d’autres sites très bien faits à ce sujet. Si vous vous intéressez davantage à des batteurs plus modernes et dans un style plus rock, jetez un œil à la section Partitions du site et à la description (très personnelle) que je fais de certains d’entre eux.

Enfin, pour conclure, de nos jours, nous en sommes-là :

Épilogue : il ne vous reste plus qu’à trouver votre place dans cette Histoire (et il en reste…).

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